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Sétif: le camp d’internement et de torture de Kasr Ettir résonne encore des cris des prisonniers algériens

SETIF – Les murs encore debout du camp d’internement de Ksar Ettir (aujourd’hui Kasr El Abtal) que l’administration coloniale avait fait construire au sud de Sétif, en 1956, dans une tentative d’étouffer la Révolution, résonnent encore des cris de souffrance des prisonniers algériens qui y étaient internés.

Ksar Ettir, situé non loin d’Ain Oulmène, reste le témoin impassible de la barbarie des tortionnaires français, mais aussi du courage et de l’endurance des Algériens qui ont la malchance d’y être conduits, souvent à la fleur de l’âge.

Quiconque écoute les récits des moudjahidine passés par ce camp de sinistre mémoire, que l’on appelait « la prison de la mort lente », ne peut être qu’effaré par ces témoignages, comme celui de Seghir Souassi qui y a subi les pires tortures, aussi bien physiques que psychologiques, de 1959 à l’indépendance.

Le moudjahid Souassi affirme, dans un témoignage à l’APS, avoir « croupi dans de nombreuses prisons civiles et militaires françaises, dans l’est du pays, à Tébessa, Constantine, Annaba et Tazoult (anciennement Lambèse, dans la wilaya de Batna), mais les atrocités subies à Kasr Ettir étaient d’un genre spécial ». « L’on nous faisait creuser la terre, sous le soleil ou par un froid sibérien, pour nous obliger ensuite à la mouiller et à la pétrir avec nos pieds nus pour la transporter, après cela, sur nos épaules, sur une distance d’un kilomètre. Nos déboires ne s’arrêtaient pas là puisqu’il nous fallait, la retransporter, toujours sur nos épaules, à sa place initiale », se souvient-il.

« Cette corvée qui se répétait chaque jour faisait que nous étions épuisés, les pieds ensanglantés et les épaules meurtries lorsque nous rejoignions nos cellules », raconte M. Souassi, les yeux dans le vague.

Ce témoin se rappelle aussi, d’une voix à peine perceptible, que les « matons », toujours prompts à faire usage de la matraque, « ne se contentaient pas de nous torturer, puisqu’ils nous laissaient sans nourriture pendant quatre jours, dans nos cellules glacées où nous étions obligés de nous dévêtir ».

Il se souvient, avec amertume et les larmes aux yeux, d’un de ses compagnons d’infortune, Smaïl Rettab en l’occurrence, qui a subi les pires sévices dans sa cellule, pendant 28 jours consécutifs, tout nu par un climat glacial. « J’entends encore ses hurlements déchirants », affirme ce témoin avant d’ajouter, avec une touchante ingénuité, « ils voulaient que nous rejoignions La politique de De Gaulle. J’ai du mal à décrire avec des mots l’enfer que j’ai vécu dans ce camp. J’ai souffert aux côtés de dizaines d’autres héros qui attendaient la mort et qui n’avaient pour seules armes que leur courage et leur foi en une Algérie libre et indépendante », souligne encore le Moudjahid Seghir Souassi.

 

Raconter le camp de Ksar Ettir pour divulguer les affres du colonialisme

 

Le professeur Bachir Fayed, du département d’histoire de l’université Mohamed-Lamine Debaghine (Sétif-2), souligne, pour sa part, que le camp de détention de Ksar Ettir est « une preuve, encore une, de la laideur du colonialisme ».

Le camp est, selon lui, « l’un des rares témoins de pierre à être sauvegardés, et joue, de ce fait, un rôle important dans la révélation des crimes atroces commis pendant la Révolution contre les Algériens ».

Le même universitaire déclaré que cette prison, l’une des plus grandes à avoir été construites durant la colonisation, est aujourd’hui « un musée à ciel ouvert que visitent des citoyens, en particulier des étudiants et des écoliers, pour en apprendre davantage sur les horribles méthodes de torture pratiquées par le colonialisme français pendant la glorieuse Révolution ».

Le Pr Fayed ajoute que la « seule préservation de ce lieu historique ne suffit pas », car, selon lui, « il est nécessaire de recueillir le maximum de témoignages vivants et de s’appliquer à récupérer des documents d’époque prouvant l’horreur des crimes du colonialisme lors de la lutte pour l’indépendance ».

Le camp de Ksar Ettir a été construit en 1956 sur un emplacement stratégique. Surplombant un carrefour desservant quatre directions, il offrait ainsi toute la latitude aux forces françaises de surveiller les mouvements alentours.

« Le camp est constitué de neuf (9) bâtisses pour +l’adaptation+ (dixit l’administration coloniale), les apprivoisements, la torture, les travaux forcés, le lavage de cerveau et autres », selon le même universitaire qui note que ce lieu ne se limitait pas aux seuls habitants de la région, puisqu’il recevait des prisonniers envoyés de toutes les prisons et centres de détention français en Algérie.

Des milliers de Moudjahidine, de Moussebiline, de fidaïne et de simples civils furent jetés et torturés jusqu’à l’indépendance, à Ksar Ettir devenu, à juste raison, Kasr El Abtal.

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