Batna: la réunion de Legrine, une étape cruciale de l’histoire de la Révolution
BATNA – Des spécialistes, historiens et Moudjahidine s’accordent à affirmer que la maison qui a accueilli, il y a 69 ans, quelques jours avant le déclenchement de la Révolution, la célèbre réunion de Legrine (du nom d’une mechta située dans la commune d’Ouled Fadhel, à Batna), a constitué une « étape cruciale » de l’histoire de la lutte pour l’indépendance.
Différents historiens et spécialistes approchés par l’APS, considèrent qu’il est important de transformer la maison qui abrita la réunion de Legrine en musée de la mémoire, dès lors que la rencontre qui s’y déroula fait partie des dernières réunions ayant ouvert la voie au déclenchement de Révolution.
La maison de Legrine, propriété du défunt Moudjahid Abdallah Benmessaouda, dit « Meziti », conserve, aujourd’hui encore, ses caractéristiques. Construite en pierre, la demeure est un archétype des maisons traditionnelles anciennes. Aïssa Benmessaouda, fils de Abdallah avait déclaré à l’APS, peu avant son décès en août 2020, que les vestiges des constructions démolies dans le quartier étaient une extension de sa maison familiale, bâtie par son père en 1942.
La maison, avait-il affirmé, se composait de plusieurs pièces dont il ne reste plus qu’une, située à l’intérieur de la cour clôturée, juste à côté du monument érigé pour immortaliser la célèbre réunion.
D’un lieu sûr pour les membres de l’organisation secrète à une réunion de Legrine
La demeure de Benmessaouda, située au douar Ouled Omar Ben Fadhel, dans la commune d’Ouled Fadhel, tire son importance, selon le Pr d’histoire à l’université de Batna-1, le Dr. Djamel Mesrahi, de la réunion qu’elle a accueillie immédiatement après la rencontre du comité des « six » (Mostefa Benboulaïd, Didouche Mourad, Krim Belkacem, Rabah Bitat, Mohamed Boudiaf et Larbi Ben M’hidi), à Alger, le 23 octobre 1954, au cours de laquelle la date du 1er novembre de la même année fut choisie pour le déclenchement de la Révolution.
Le Dr. Mesrahi a ajouté que d’importantes décisions avaient été prises au cours de la réunion de Legrine, présidée par Mostefa Benboulaïd en présence des responsables d’une région que l’on appelait à l’époque l’Aurès-Nememchas, à savoir Abbas Laghrour, Adjel Adjoul, Chihani Bachir, Tahar Ghamras, dit Nouichi, Abdallah Benmessaouda (propriétaire de la maison), Mohamed Khantar et Hadji Moussa.
Les décisions les plus importantes qui avaient été prises concernaient la désignation des régions et de leurs chefs, la répartition des groupes de combattants et de leurs tâches, et l’identification des objectifs qui devaient être frappés, le 1er novembre à 0 heure précise, Benboulaïd ayant divulgué, ce jour-là, la date du déclenchement de la lutte armée.
Selon le Dr. Mokhtar Houari, du département d’histoire de l’université de Batna, le choix s’était porté sur la région d’Ouled Fadhel et sur la maison de Meziti en particulier, en raison de la connaissance parfaite de cette zone et de ses habitants par Mostefa Benboulaïd. Ce dernier était, en effet, proche de Abdallah Benmessaouda et effectuait de fréquentes visites au douar où se trouvait la demeure de celui-ci.
Benboulaïd avait considéré que la zone était « sûre » pour lui-même et pour les membres de l’Organisation Secrète (OS), ainsi que pour les « bandits d’honneur » qu’étaient Ahmed Gada, Seddik Chebchoub et Hocine Berrehaïl, recherchés, à l’époque, par les forces coloniales.
Le Dr Ali Adjgou, du même département d’histoire, a souligné, de son côté, que la réunion de Legrine et toutes les autres rencontres préliminaires d’orientation précédemment dirigées par Benboulaïd ont constitué un « véritable pied-de-nez » à l’ennemi qui se targuait, à l’époque, d’avoir éliminé l’OS et toutes ses cellules.
En fait, selon le Dr. Adjgou, la cellule des Aurès était toujours active et allait avoir un rôle déterminant lors de la planification minutieuse et la préparation de la Révolution et de son déclenchement. Le secret absolu qui avait entouré la réunion de Legrine, la prise de conscience des habitants de la région et l’emplacement de la maison de Meziti, au confluent des villes de Khenchela, d’Ain M’lila, d’El Khroub et de Kimel, en passant par Arris, ont permis aux dirigeants de s’y déplacer sans éveiller les soupçons et, donc, à la réunion de se dérouler sans encombre, d’autant que la situation de la maison et son côté humble n’étaient pas de nature à attirer l’attention, souligne le même universitaire.
La célèbre réunion de Legrine fait aujourd’hui l’objet d’un vif intérêt des chercheurs et des historiens qui y voient un « jalon de première importance » de l’histoire de la lutte de libération nationale.
De nombreux colloques et rencontres historiques y sont régulièrement consacrés, dont le dernier en date a été organisé mardi dernier (24 octobre) à l’université Batna-1 à l’initiative du Musée du Moudjahid, en présence du ministre des Moudjahidine et des Ayants droit, Laïd Rebiga. Les participants à cette dernière rencontre (universitaires, historiens, spécialistes et Moudjahidine) ont unanimement souligné le caractère décisif de la réunion de Legrine qui a planifié, balisé et ordonnancé les ultimes détails de la glorieuse Révolution.